Best of the Best - La Turquie

C’est peut-être difficile à croire aujourd’hui, à l’heure où la Turquie règne en maitre sur le monde merveilleux des filles faciles qui se trémoussent en bikini aux premières places du podium, mais le pays a très longtemps été le vilain petit canard du concours, partageant régulièrement les toutes dernières places au coté de la Finlande. Et surtout la Turquie a très longtemps été sage et chaste, puisant jusqu’à l’overdose et avec candeur dans son joyeux folklore local à coup d’irrésistibles tubes naïfs. Depuis, le pays a fait sa crisette d’ado, a dit crotte à papa maman et à leur héritage musical, et fait sa rebelle à coup de faux rock qui tache et de dance ethnique facile (mais surtout à coup de croupion in your face). Retour sur le rebelle adolescence du pays .

10. Seyyal Taner & Grup Lokomotif - Sarkim sevgi üstüne (1987)

On commence très fort avec un candidat mémorable : la méga-guillerette Seyyal Taner. Mémorable tout d’abord pour l’exubérance visuelle dont elle et son groupe font preuve sur scène ! Regardez-moi ça comme ça gigote ! On ne sait pas trop si c’est fait exprès mais on croirait voir des dindes en folie dans un poulailler en feu. Et mémorable surtout, il faut bien le dire, car malgré toute l’énergie déployée sur scène, les groupe n’a pas réussi à récolter le moindre misérable point (ce qui reste rare), et on donc logiquement fini à une honteuse dernière place. Mais on vous aime, les poulettes ! Cot cot cot.

9. Klips ve onlar - Halley (1986)

L’année juste avant, la Turquie avait pourtant fait un grand bond vers le futur avec une ode des synthétiseurs à la comète de Halley ! Au final : une étrange incantation qui rappelle l’inquiétant générique des Mondes engloutis. La chanson commence par ces paroles : « Cher monde, maintenant est venu le moment de rire ! »… parlaient-t-ils de vêtements de la chanteuse de droite ? En tout cas, telle la comète, la Turquie s’est propulsée à une 9e place complètement inespérée à l’époque. C’est d’ailleurs resté leur meilleur score pendant encore onze ans.

8. Neco - Hani ? (1982)

La Turquie à l’Eurovision dans les années 80, c’est un peu à chaque fois l’âge d’or de Bollywood résumé en 3 minutes, et Hani en est un très bon exemple. Mélodie ultra rythmée et dialogue en forme de chassé croisé amoureux entre un héros viril et les chœurs féminins suraigus. Un folklore qui malgré son refrain assez difficile à oublier, n’a hélas pas séduit grand monde à l’époque : comme de nombreux autres candidats turcs, Neco a fini dans les choux. 15e place sur 18.

7. Sertab Erener - Everyway that I can (2003)

Et soudain, la Turquie découvrit la formule magique pour gagner: le sexe. Certes Sertab Erener reste très chaste par rapport aux nombreuses pouffettes dénudées qui viennent se trémousser chaque année. Mais en 2003, elles n’étaient pas encore arrivées par légion, et surtout la Turquie partait de très, très loin. Énorme bond vers la modernité que ce shake shake gli-gli, chanté avec charisme par une femme serpent feulante et effrayante, qui, toute contrariée de sa robe en papier toilette, frappe ses choristes et grogne un pont musical de folie à base de paroles de luxe telles “you make me wanna han han, make me wanna han han han”. Peut-être le rap féminin le plus génialement improbable depuis American Life de Madonna. C’est d’ailleurs avec une reprise d’une autre chanson de Madonna (Music, version Turkish Tekno) que Sertab a poursuivi sa carrière de star en Turquie. On préfère son propre répertoire. 1e place.

6. Cetin Alp & The Short Waves - Opera (1983)

Avant la victoire turque (bien avant, même), il y a eu les bas-fonds. En 1983, la Turquie ne sait visiblement même plus où elle habite, et en est réduite à envoyer cette hymne (?) à l’opéra. On ne sait pas trop par où commencer pour expliquer à quel point cette performance est génialement nanardesque ! Les toutes premières notes qui ressemblent à des gémissements de fantômes ? Les choristes, dont le look improbable les rapprochent au mieux, des zombies de Thriller, au pire du bal masqué ohé ohé de la Compagnie créole ? Ou tout simplement ce moment où la chanson s’arrête et qu’une autre commence en plein milieu, sorte de générique de Benny Hill improbable. Mais bon en même temps tout est improbable dans cette chanson. 19e place sur 20.

5. Hadise - Düm tek tek (2009)

La quintessence de la classe et la distinction, à la fois sobre et de bon goût en tout : dans la voix si mélodieuse de la charmante Hadise, dans l’élégance discrète de sa tenue, dans la finesse intellectuelle des paroles, ou dans la légèreté avec laquelle le folklore musical a été mêlé à une habile touche de légèreté électronique. On ne sait pas trop si les « dum tek tek » en question sont censés symboliser les battements de son cœur de jeune fille pure (probablement en pensant à Dieu), ou autre chose de plus physique concret, mais Hadise nous avait mis sur la piste lors de la présélection nationale, où elle donnait des grands coups de chatte face caméra en rythme avec le refrain. Ses parents sont surement très fiers d’elle. 4e place.

4. Izel Celiköz, Reyhan Karaca & Can Ugurluer - Iki dakika (1991)

Attention chef d’œuvre venu d’ailleurs. En 1991 la Turquie n’a visiblement pas encore sauté dans le train de la modernité et se croit encore dans un épisode de Sauvés par le gong. Le pays envoie cette année-là ces trois gugusses qui nous chantent avec pep’s et candeur une sorte de générique de pub Maaf avec leur faux costumes rockabilly. Bon, on aime beaucoup, mais on ne sait pas trop quoi dire pour leur défense, quand même. 12e place assez inexplicable vue la concurrence cette année là.

3. Pan - Bana bana (1989)

Le retour de Bollywood. Peut-être la performance la plus stressante de l’histoire du concours, où la chanson, déjà pas évidente à la base, se retrouve encore accélérée par un chef d’orchestre fou furieux, visiblement possédé ou sous crack. Et à partir de là tout s’emballe. Cette chanson sur la violence conjugale aurait pu bénéficier d’un habile mimodrame éducatif sur scène, mais les deux filles ont beau se pâmer dans toute les directions, les deux pépères, eux, ne bougent pas d’un cil, et gardent leur mains sur leurs hanches de manières extrêmement virile, il faut bien le dire. A voir pour le croire. 21e place sur 22.

2. Ajda Pekkan - Petr’oil (1980)

Ajda Pekkan ferait partie des candidats ayant vendu le plus de disques au monde parmi les candidats de l’Eurovision. Enfin ça il n’y a qu’elle qui le dit : pas de bol, impossible mettre la main sur les chiffres qui viendraient confirmer ça (comme Lara Fabian, la sale menteuse) ! La carrière d’Ajda s’étend sur maintenant près de cinq décennies, et son site officiel aimerait nous faire croire qu’entre temps elle n’a pas vieilli du tout et qu’elle ressemblerait à ça.


C’était déjà une star dans son pays à l’époque de sa participation, mais son score pas terrible ce soir-là (15e place sur 19e) l’a poussée a faire une longue pause dans sa carrière (Bon, en vrai on ne sait pas s’il y a le moindre rapport, mais ça nous amuse de l’imaginer). Il existe une inénarrable version française (on n'a pas de lien à vous donner, désolé!) de cette chanson intitulée Le Roi du pétrole. Les paroles truffées de jeux de mots débiles (du genre « il raffine le brut comme une brute ») lui auraient surement valu la victoire. Sacrée Ajda, va.

1. Sebnem Paker & Grup Etnic - Dinle (1997)

Et un beau jour, à la fin des années 90, le miracle eu lieu. A mi-chemin entre le folklore old school et féminité subtile, Sebnem Paker a réussi a réussi à trouver l’équilibre parfait et nous offre la meilleure chanson turque du concours. Bravo. Grâce à toi la Turquie a enfin pu trouver sa place sur la carte de l’Eurovision et depuis, tous les résultats du pays ont été bons, finies les dernières places. Merci qui ? Thank you life thank you love. 3e place sur 25.